Rencontre internationale : la justice transitionnelle, une expérience humaine et politique qui s’inscrit dans l’histoire et un prélude pour rompre avec le passé des violations
‘La justice transitionnelle, en tant qu’expérience humaine et politique en interaction avec l’histoire, constitue un prélude pour rompre avec le passé des violations graves des droits de l’Homme et pour construire l’avenir sur les bases de la démocratie, de l’état de droit et du respect des droits de l’Homme’, c’est ce qu’ont souligné les participants à la rencontre internationale sur le thème le ‘Droit à la vérité réparation et réformes : Quelles avancées et quelles perspectives pour la justice transitionnelle ?
Organisée par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) en partenariat avec la Fondation Driss Benzekri pour la démocratie et les droits de l’Homme et la fondation CDG les 14 et 15 janvier 2013 à Rabat, cette rencontre a permis de dresser le bilan de la mise en œuvre des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation au Maroc, de prendre connaissance des progrès réalisés à l’échelle mondiale et de dégager les enseignements et les bonnes pratiques en la matière.
Alors que des dynamiques similaires se développent dans plusieurs pays de la région, les participants ont considéré que « toute expérience de justice transitionnelle serait vaine si elle n’est pas couronnée de réformes politiques, institutionnelles, constitutionnelles et juridiques globales et radicales dans plusieurs de ses aspects’, précisant dans ce cadre que ‘l’implication de la société civile et son interaction avec le processus de la justice transitionnelle joue un rôle fondamental dans la réussite de l’expérience’.
Après avoir mis en exergue ‘l’absence de recette toute faite en matière de justice transitionnelle’, ils ont affirmé que ‘la spécificité du contexte sociétal n’empêche pas cependant de s’ouvrir sur les autres expériences et de profiter des enseignements qu’elles ont tirées notamment en matière d’établissement de la vérité, de réparation communautaire, d’approche genre etc.
Dans une allocution prononcée à l’ouverture de cette rencontre, M. Driss El Yazami, président du CNDH a considéré que l’attribution de la mission du suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation au seul Conseil consultatif des droits de l’Homme, l’ancienne formule du Conseil national des droits de l’Homme, une institution nationale indépendante dotée d’une autorité morale en matière des droits de l’Homme, a contribué par beaucoup dans l’accélération de la cadence de la mise en œuvre des recommandations de l’IER.
Ainsi, dans un délai n’excédant par les six ans, 8500 sur plus de 20.000 dossiers reçus par l’IER ont été régularisés, 17966 victimes et ayants droit ont été indemnisés, 15.187 ont bénéficié de la couverture médicale et 1268 ont bénéficié de l’intégration sociale, au moment où 540 victimes ont vu leur situation administrative et financière régularisée.
Alors qu’en matière de réparation communautaire, le CNDH a suivi la mise en œuvre de 130 projets au sein de 13 provinces du Maroc qui ont porté sur quatre principaux axes à savoir, le renforcement des capacités des acteurs locaux, la préservation de la mémoire, l’amélioration des conditions de vie des habitants, et la promotion de la situation des femmes et des enfants.
M. El Yazami a passé également en revue un certain nombre de chantiers mis en œuvre ou lancés dans le cadre de la préservation de l’archive, l’histoire et la mémoire, ou de la mise en œuvre des recommandations de l’IER sur les réformes institutionnelles et législatives, lesquelles ont été couronnées par ce que la nouvelle constitution a consacré comme respect par le Royaume du Maroc des principes et des valeurs des droits de l’Homme tels qu’ils sont reconnus universellement, primauté des conventions internationales sur la législation nationale, l’interdiction de toutes les formes de discrimination et la prohibition de la torture et toutes les violations graves des droits de l’Homme.
Il convient de rappeler que cette rencontre a été marquée par la participation d’acteurs politiques, des militants associatifs ainsi que de nombreux experts nationaux et internationaux, ainsi que de nombreuses personnalités internationales notamment Mme Tawakkol Karman, Prix Nobel yéménite de la paix, MM. Mohammed Ahmed Ali Al-Mekhlafi ministre des Affaires Juridiques du Yémen, Pablo de Greiff, Rapporteur spécial pour la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition des Nations unies, Michel Tubiana, Président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme, Sidiki Kaba, Président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).
Les participants ont débattu de plusieurs thématiques notamment les mandats des Commissions vérité (création, durée de fonctionnement, mandat temporel, pouvoirs accordés, types de violations traitées, activités principales menées, etc.) ; des dynamiques et stratégies mises en œuvre pour la vérité et la justice (procédures extrajudiciaires et judiciaires, techniques de travail : auditions, témoignages, consultation d’archives, rôle des victimes et des ONG et relations des commissions vérité avec elles, …) ; des politiques menées en termes de réparation individuelle et communautaire et, enfin, du devenir des recommandations (typologie des recommandations émises, mécanismes de suivi, effectivité de leur mise en œuvre, etc.) De manière transversale, les problématiques de la réconciliation (notamment le rôle des auditions publiques), de la prise en compte de la dimension genre et de l’interaction entre les niveaux national, régional et international ont été aussi interrogées.