Parlement : M. El Yazami présente les recommandations du Conseil visant à promouvoir le cadre juridique et institutionnel des droits de l’Homme au Maroc
Conformément aux dispositions de la constitution, M. Driss El Yazami a présenté le 16 juin devant les deux chambres du parlement, en présence du Chef du gouvernement et de plusieurs ministres, un exposé dans lequel il a mis en exergue les principales activités du Conseil depuis sa création en 2011, notamment en matière de promotion et de protection des droits de l’Homme et ses recommandations visant à promouvoir le cadre juridique, institutionnel et organisationnel du domaine des droits de l’Homme au Maroc.
M. El Yazami a d’abord présenté un résumé des mesures entreprises pour poursuivre le règlement des dossiers relatifs aux violations passées des droits de l’Homme et apporté des éclaircissements sur plusieurs questions dont la situation de certaines catégories sociales, la migration, les événements sociaux, les allégations de torture, les plaintes et requêtes parvenues au Conseil, l’enracinement de la culture des droits de l’Homme et la formation en matière de droits de l’Homme.
Le président du CNDH a jeté la lumière également sur la contribution du Conseil en matière de construction démocratique et d’animation du débat public par le biais d’émission d’avis et de mémorandums sur différents projets de loi, ainsi que des rapports thématiques et des études qu’il a élaborés.
M. El Yazami a présenté une série de recommandations qui concernent principalement l’élimination de la torture, le droit à la protestation pacifique, la liberté de la presse, les droits des catégories vulnérables, la diffusion de la culture des droits de l’Homme et le cadre légale régissant les opérations électorales.
En ce qui concerne la prévention et la lutte contre la torture, le Conseil préconise :
• Que la procédure pénale prévoit que la personne interpellée et placée en garde à vue, puisse communiquer immédiatement avec un avocat et que les interrogatoires fassent l’objet d’un enregistrement audiovisuel.
• Que soit conférée, en vertu de la nouvelle loi, au Conseil national des droits de l'Homme et à ses commissions régionales la compétence du mécanisme national chargé de la prévention contre la torture.
• Que soit révisé le cadre juridique régissant les établissements pénitentiaires, en particulier dans le sens du renforcement des garanties disciplinaires au profit des prisonniers.
En vue d’approfondir le débat sur le droit de protester pacifiquement, le Conseil estime que ce débat public devra être centré sur les axes suivants :
1. Reconnaissance du droit d’organiser des manifestations pacifiques à tous les citoyens et citoyennes ; limitation du pouvoir discrétionnaire de l’administration quant à l’interdiction des manifestations pacifiques et renforcement du rôle de l’autorité judiciaire en tant que voie de recours effective.
2. Nécessité d’un accord sur des principes respectés par tous sur la base desquels sera organisé le droit de protester pacifiquement, sans porter atteinte au fonctionnement normal des services publics ou privés, afin de préserver le droit de tous à bénéficier du service public.
3. La promotion de la culture de la citoyenneté, la dissémination de la culture des droits de l’Homme, et la lutte contre les discours de la discrimination, du racisme et de la haine.
En matière de liberté de la presse, le Conseil considère que la garantie d’un exercice élargi de la liberté d’opinion et d’expression exige la révision urgente et totale du cadre juridique et législatif régissant le secteur de l’information et de l’édition, (en particulier la presse écrite), et des dispositions pénales relatives à la liberté d’expression et ce, conformément aux dispositions de la Constitution, et aux principes du droit international des droits de l’Homme, en veillant à consacrer la caractère spécial de l’exercice de la liberté d’expression et des médias par la suppression des peines privatives de liberté du code de la presse.
Les droits des catégories vulnérables, le CNDH expose un certain nombre de recommandations qu’il considère prioritaires dans ce domaine
1. Accélérer l’élaboration d'une loi-cadre pour la protection des personnes handicapées selon une approche inclusive et dans un cadre participatif, tout en adoptant des politiques publiques régionales et locales pour aborder transversalement le problème du handicap. Ceci permettrait à notre pays de gagner 2% de points de PIB, ce qui correspond à 9,2 milliards de dirhams, selon certaines études.
2. Accélérer l’adoption du nouveau cadre juridique organisant les établissements hospitaliers psychiatriques.
3. Saisir l’occasion de la révision du code pénal et de la procédure pénale pour améliorer le cadre juridique de la protection des enfants, surtout ceux qui sont en conflit avec la loi.
En matière de diffusion de la culture des droits de l’Homme, le Conseil recommande :
-La reconstruction de l’offre éducative nationale selon une approche centrée sur les droits de l’Homme, prenant en considération les situations particulières des enfants les plus exposés à la discrimination et à l’exclusion comme le cas des filles issues du milieu rural et les enfants en situation de handicap ainsi que ceux issus d’un milieu urbain mais défavorisé, les enfants sans abri, et les enfants d’immigrés.
-L’institutionnalisation de l’approche droits de l’Homme en tant que condition à l’adoption des projets et programmes éducatifs.
-L’acceptation et la gestion de la diversité ainsi que l’encouragement de l’acquisition des valeurs de la tolérance, et la gestion pacifique des différends.
En dernier lieu, le Conseil présente des recommandations prioritaires relatives au cadre juridique régissant les processus électoraux. Il s’agit de :
-L’adoption du principe de l’inscription spontanée sur les listes électorales dès l’obtention de la Carte d’identité nationale ou dès la déclaration auprès du consulat le plus proche.
- La rectification des dysfonctionnements et des disparités de la représentation au niveau du découpage des arrondissements électoraux locaux, en vue de garantir une représentation équitable des habitants, des électrices et des électeurs, en prenant en considération la discrimination géographique positive des régions de faible population ou dont l’accès est difficile, et ce dans des limites n’excédant pas un pourcentage raisonnable.
-L’inclusion dans les lois électorales de dispositions stipulant la désignation d’un mandataire financier pour chaque électeur ou liste électorale, ouverture d’un compte bancaire propre aux dépenses de la campagne électorale, et attribution de contrats à durée déterminée aux assistants de la campagne électorale, en tant que salariés.
-La stipulation dans une disposition légale expresse, que les rassemblements et les formes d’expression appelant à la non participation au vote obéissent aux dispositions générales de la Charte des libertés publiques.
-Prévoir dans la loi des mécanismes facilitant le vote des personnes à mobilité réduite, des populations des communes sises dans des régions où la pratique du nomadisme est courante, des ressortissants marocains résidents à l’étranger et des prisonniers non condamnés à la privation du droit de vote, des personnes s’adonnant à des activités économiques qui demandent des déplacement constants, au même titre que les personnes hospitalisées, et les étudiants habitant loin de leurs lieux de résidence permanente. Dans la même logique, et vu l’usage très limité du système de vote par procuration, le besoin s’est fait sentir de remplacer le mécanisme de vote par procuration pour les ressortissants marocains résidents à l’étranger par d’autres mécanismes comme le vote par correspondance ou le vote électronique.
-Prendre en considération la dimension de «l’accès public » dans l’équipement des bureaux de vote conformément aux dispositions de l’article 29 du premier chapitre de la convention des Droits des personnes en situation de handicap et aux engagements des autorités publiques consacrés en vertu de l’Article 34 de la Constitution.
M. El Yazami a conclu son intervention pour dire que ‘les avis, mémorandums de propositions, rapports thématiques et études du CNDH ne relèvent ni d’un luxe intellectuel, ni d’une quête de singularité ou d’une tentative de se substituer aux autres acteurs, ils découlent de notre conscience de la profondeur de la responsabilité nationale dont est investie notre institution et de sa volonté de jouer son rôle en tant qu'institution constitutionnelle dans l’harmonie, la coopération, la complémentarité et la coordination avec les autres composantes du tissu institutionnel du pays et les divers acteurs concernés par la consolidation du choix démocratique dans notre pays’.